Françoise Tomeno

Françoise Tomeno

15 octobre 2013

Le premier jour

Françoise Tomeno
16 octobre 2013

C'est le premier jour.
Le premier jour de cette année où je la vois mettre son écharpe de mousseline de brumes, ces petites brumes à ras de l'eau, si caractéristiques de mon amie la Loire dans les débuts d'automne.

Dans quelques temps, elle mettra sa grosse écharpe de brouillards, bien épaisse.

Mais aujourd'hui, je contemple les flammèches de soie. Je me formule tout juste les mots flammèches, écharpe, mousseline, soie. Les phrases ne sont pas encore arrivées au bord de mes pensées. Elles n'en ont pas le temps, voici que je vois l'aigrette blanche, toujours aussi longue, élégante. Elle ouvre grand ses ailes et s'en va un peu plus loin, sur un autre bout du banc de sable. Je fais quelques pas, m'arrête pour la contempler elle aussi. Elle repart du même vol un peu plus loin, je suis. Deux nouveaux vols plus loin, elle s'arrêtera, je passerai mon chemin.

Au retour, je l'apercevrai, à l'abri sous un talus creusé par la Loire le long de la rive de la petite île. J'aurai vu au passage le héron cendré en train de pêcher.

Une belle façon d'apprivoiser l'automne.


16 juillet 2013

Nicolas Angelich, Bach et les oisaux

Lumière douce de la Touraine au soir d'une journée qui fut chaude. Les vitraux des fenêtres du château de Chambord dessinent des petites lucioles bien ordonnées qui nous font signe dans cette belle cour. La musique de Bach s'égrène sous les doigts magiques de Nicolas Angelich. Moment de paix pour l'âme.

Nicolas Angelich est tout seul avec Bach, Bach est seul avec Nicolas Angelich. L'un et l'autre nous tolèrent cependant, et nous n'avons pas à nous en plaindre.

Les oiseaux accompagnent les deux amis qui jouent, c'est bien comme cela que l'on dit en musique, on joue. Les oiseaux dansent au dessus de nos têtes, le ballet se déploie, se replie, souple, tout en courbes, rencontres, éloignements, retrouvailles. Ca chante là-haut dès la première des variations Goldberg. Nul n'y trouverait à redire. Des nez se lèvent de temps en temps vers les amis chanteurs.

L'oeuvre avance, une heure et demie sans interruption. Une paix de l'âme qui dure une heure et demie, vous vous rendez-compte? Et puis vient le moment de la dernière variation, qui reprend la première. Cette si belle variation! Les oiseaux arrivent eux aussi vers la fin de leur sérénade, c'est l'heure où ils vont se replier vers leurs nids. Le hasard fait se rejoindre dans le même mouvement tous ceux-ci qui jouent ici pour notre plus grand plaisir, Nicolas Angelich, Bach, et les oiseaux.

Ma foi!


15 juillet 2013

Prise de becs

Françoise Tomeno
15 juillet 2013

Elles sont à deux pas de moi. Elles se battent comme des chiffonnières. Elles sont tellement occupées qu'elles ne me voient pas. Je suis tentée de prendre mon appareil photo pour immortaliser cet instant, mais quelque chose me retient, elles risquent de voir mon mouvement et cela pourrait interrompre l'événement; je ne bouge pas.

Elles se tiennent par le bec, elles ne se lâchent pas, elles tournent sur elles-mêmes. Deux messieurs les regardent passivement, semblant attendre l'issue de la rixe. Deux messieurs canards regardent passivement deux dames canes se battre près de la pièce d'eau du jardin publique.

À un signal qui m'échappe, mais il est vrai que je ne suis pas de cette espèce, la lutte cesse. Une dame rejoint les deux mâles et ils s'éloignent tous trois, elle a gagné, tandis que l'autre, qui a perdu, se retrouve seule.


Alors que je racontais cette histoire à une amie, et que je plaignais la pauvre dame cane esseulée, elle me dit: "C'est peut-être celle qui s'est retrouvée seule qui a gagné?"

Tout dépend du point de vue!


Ah, au fait: j'ai enfin compris d'où venait l'expression "prise de becs", et avec un "s", s'il vous plaît....

11 juin 2013

Sous le petit chapeau noir et blanc

Françoise Tomeno
11 juin 2013

Sous le petit chapeau noir et blanc coule une longue chevelure couleur filasse, retenue par un lien sur un cou. La dame à qui appartient le cou, et la chevelure filasse, est toute petite, le visage creusé de rides. Mais surtout, tout en elle est de guingois. La tête s'enchaîne de travers avec le cou, le cou se rattrape de justesse au tronc, le tronc essaie de retenir les bras et les jambes. Clopin clopant, elle sort du jardin qui se trouve en face de la terrasse où je profite, ce matin là, de bonne heure, d'un rare rayon de soleil.

Elle se dirige sur sa droite en sortant du jardin, elle a à la main un sac en plastique aux rayures horizontales jaunes, rouges et noires. Elle avance à vitesse modérée. Au moment où elle croise un jeune homme absorbé dans ses pensées, son corps marque un petit mouvement, comme si elle voulait lui parler. Elle ne le fait pas, elle continue sa route, lui n'a rien remarqué.

Quelques pas, trois quatre pas plus loin, elle se ravise, se retourne et part vers le jeune homme en accélérant sa marche. Elle l'appelle: "Monsieur, Monsieur...". Il n'entend pas, son esprit semble être arrivé à la destination vers laquelle il hâte le pas. Elle se rapproche de lui, il finit par se laisser déranger, peut-être même son esprit revient-il à lui. Il se retourne avec beaucoup de douceur, le corps incliné déjà prêt à écouter. Elle lui tend une petite bouteille remplie d'un liquide pas assez rouge pour être du vin rouge, trop rouge pour être du vin rosé. On dirait la grenadine de mon enfance. Le jeune homme prend la bouteille, et, avec effort, finit par l'ouvrir. Il repart à destination. Quant à elle, après avoir repris sa direction initiale, elle retourne dans le jardin.

Rien, c'est trois fois rien. Peut-être même dans les heures qui suivent, l'un et l'autre auront oublié cette esquisse de rencontre.

Et pourtant, ce jour-là, un jeune homme absorbé a prêté attention à une vieille femme tout de guingois. 

22 mai 2013

En voiture Simone!

"Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, bonjour. La SNCF et l'agence Railteam sont heureuses de vous accueillir à bord du TGV n° 8472. La voiture bar se trouve en voiture 14. Vous y trouverez des sandwichs, des plats chauds, des boissons chaudes et des boissons fraîches, des journaux et des timbres.
Vous tomberez (sic) sur un barman qui aime prendre son temps (sic aussi), mais qui aime la conversation (sic toujours)".



Un autre jour
"Mesdames Mesdemoiselles, Messieurs, notre train arrive en gare de Paris Montparnasse, et, remarquez-le, il est à l'heure". 

Sic toujours!!!!


21 mai 2013

Bonne nuit les petits

Françoise Tomeno
21 mai 2013

Marne la Vallée Chessy.

Ils sont deux, sur le quai de la gare TGV, mitraillette à la main.

Depuis un moment, dans le wagon, on entend des petits airs de flûte à bec qui tournent en boucle: un petit joue avec sa console. Parmi les airs de flûte, on reconnaît l'air de "Bonne nuit les petits", de Nounours, de Nicolas et Pimprenelle.

L'armée veille sur vous, petits, dormez, jouez, allez voir Mickey, ne vous souciez de rien.

Dormez aussi, les grands, l'armée veille, la sécurité règne. Ne vous souciez de rien, on veille sur vous, on vous surveille, on pense à vous, on pense pour vous. 

La flûte à bec continue sa boucle, le monde dort, le monde est endormi.

Sur le quai de la gare de Marne la Vallée Chessy, ils sont deux, l'arme prête à tirer.

Bonne nuit les petits.

Bonne nuit aussi, les grands.

Le poinçonneur, toujours

"Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs....
les enfants.......
BONJOUR!"

Non, nous ne sommes pas à Guignol.

Le poinçonneur vient de faire son entrée sur scène
sur la scène de notre wagon
qui franchit allègrement le viaduc qui relie la victoire de 1945, la victoire du Christ ressuscité qui monte, le lendemain, au ciel, et la journée du surlendemain, qui célèbre la mémoire de l'esclavage. Sur son élan, le viaduc poursuit et franchit les deux jours qui suivent sans rien demander à personne. 

Nous, nous franchissons tout ça avec lui, dans notre wagon du Bordeaux Strasbourg. Avec le viaduc, et avec le poinçonneur qui vient de réussir son entrée. Mais il ne s'arrête pas là, le poinçonneur, la SNCF se lâche, pour notre plus grand bonheur...

"Bonjour Madame". Il regarde le billet de la dame, et, tout en poinçonnant "Je vous signale qu'il y a une voiture bar, et que vous y trouverez de très bonnes choses. Ce que vous mangez-là n'a pas l'air bien fameux".

À côté de la dame, il y a une toute jeune fille. Le poinçonneur prend son billet, regarde, et, avant de poinçonner: "Votre date de naissance?" (elle doit avoir une réduction). La jeune fille répond quelque chose que je n'entends pas. "Alors bon anniversaire.... en retard!" lui dit le poinçonneur.

À chacun de suivants, il souhaitera une bonne journée.

Après qu'il ait franchi la porte de notre wagon, je me demanderai s'il répète cette entrée sur la scène de chacun des wagons, et je regretterai de ne pas l'avoir pisté discrètement.

Mais, dites-moi, ce sont tout de même pas les nouvelles techniques de marketing de la SNCF? Oh non, je ne le crois pas!

Si?

Françoise Tomeno
21 mai 2013

01 mai 2013

La couleur de la chemisette au poinçonneur du Printemps






















Voir un peu plus bas

Quelque chose d'indéfinissable

Françoise Tomeno
1er mai 2013

Quelque chose d'indéfinissable
Quelque chose qui tient à la fois à la lumière et au son dans le paysage
Quelque chose qui qualifierait le silence.

On le connaît le mieux les matins de neige lorsque, au sortir du sommeil, on entend à une certaine qualité du silence que la neige est là, qu'elle est tombée pendant la nuit. Les sons sont "étouffés", dit-on.

Mais on connaît aussi la qualité du silence du brouillard, quand le peu qui se voit se détache avec parcimonie, pour ainsi dire délicatesse. Les sons font de même. Ils ne sont pas étouffés, ils sont rares, et doux.

Et puis il y a ces matins de printemps où la lumière, où l'arc en ciel des chants d'oiseaux venant de partout à la fois, pourtant distincts dans leur mélodie, proches ou lointains, où le bruissement des feuilles toutes nouvelles, dessinent un certain silence. Un silence  qui ne tient sa qualité de silence que de cette lumière et de ces sons.
Un silence chuchotant qui, tenant dans ses mains de printemps la promesse du soleil, offre à l'âme une sorte de repos après la retenue et la tension de l'hiver.

Quelque chose qui qualifierait le silence.

26 avril 2013

Vous aimez le Jazz?

Vous aimerez Beethoven!...

Si si, allez jusqu'au bout du mouvement. Avec Glenn Gould.

Beethoven sonate n°32-2

25 avril 2013

La maison Jacques Prévert



Le poinçonneur du Printemps

Françoise Tomeno
25 avril 2013

Il n'avait pas le ticket, le Printemps. Il n'avait pas le ticket avec le poinçonneur.

Le journée avait été belle, radieuse même. Le printemps était arrivé, sans crier gare.
Euh... si, il avait crié "gare", au fond. Il s'était fait annoncer par toutes les radios, il avait fait annoncer son arrivée en gare du temps qui passe pour ce dimanche. 

Une arrivée que l'on n'espérait plus. On l'avait attendu depuis tellement longtemps sur le quai de la gare du temps qui passe, le printemps, qu'on avait fini par ne plus y croire. On ne croyait plus qu'il allait finir par venir poser ses valises. D'ailleurs, le soleil s'était fait la malle depuis si longtemps! Dans la malle, il avait emporté la lumière. Plus de lumière depuis des mois. Des bruits couraient que l'on ne les reverrait plus ni l'un ni l'autre, ni le soleil, ni la lumière. Qu'il allait falloir s'habituer à vivre désormais sans eux, au milieu de cette infinie grisaille. On avait bien eu une ou deux journées de soleil, quasi saugrenues tant elles avaient été brèves. Un autre bruit courait: les gouvernements du Monde s'étaient mis d'accord (pour une fois!) pour fabriquer des projecteurs très puissants et invisibles. Une fois de temps en temps, pas très souvent du fait de la nécessité des économies d'énergie, ils les faisaient allumer, pour nous faire croire au soleil. On était assez bêtes pour marcher dans la combine.

La journée avait été belle, radieuse même. La balade aussi. La balade le long de la petite rivière au pied de la cité médiévale. Tout le monde était sorti, le monde se croisait dans les rues de la cité, le monde descendait patauger dans la boue que la pluie avait eu à coeur de fabriquer, de malaxer, sur les chemins le long de la rivière, et tant pis pour les chaussures fraîchement nettoyées en l'honneur du printemps. Tant pis pour la boue qui laissait traîner sur elles des petits dessins rigolos. On aurait toujours le temps d'y remédier. Le monde souriait, personne ne faisait la tête et chacun y allait de son commentaire. Petits et grands s'extasiaient, les bras et les jambes offerts au déjeuner du printemps.

On avait fait comme le monde, comme tout le monde. On avait déambulé dans la cité, on avait descendu le chemin, on avait enfoncé nos pieds dans la gadoue. On avait eu plaisir à tout ça.

Et puis il avait fallu prendre du souci (ça veut dire se préoccuper qu'il n'y a pas que ça dans la vie, et qu'il va falloir partir... ça se dit en Suisse, j'aime beaucoup cette expression). On avait pris le souci dans nos bras, et on l'avait emmené direction la gare, le souci. La gare du temps qui passe où le printemps avait crié en arrivant.
Dans le premier TER, le poinçonneur du printemps était passé. Sans un bruit, sans une parole, sans un regard, lentement, ça sentait la déprime. S'était pas aperçu que c'était le Printemps, le poinçonneur? Ou bien il se disait que le Printemps, c'était pas pour lui, c'était toujours pour les autres? Lui, il n'avait pas que ça à faire, d'attendre le Printemps, fallait qu'il travaille, le poinçonneur. Alors il poinçonnait, il poinçonnait, il ne chantait pas, non, ça sentait le désenchantement, ça ne sentait pas les lilas du Printemps.  Pourtant il avait mis sa belle chemisette lilas de la SNCF, lilas Charles X pour être précis. 

Le Printemps n'avait pas le ticket, le poinçonneur déprimait. 

Le Mans, changement de TER. Pour une fois, l'attente était relativement courte. On patiente sur le quai en attendant la correspondance. Je remarque notre poinçonneur en grande discussion avec un autre homme de l'art des chemins de fer. Celui-là serait-il pessimiste? Il a gardé son épais par dessus bleu foncé, et ne semble pas en souffrir. Ca discute ferme, et j'entends à plusieurs reprises notre poinçonneur à la chemise lilas affirmer avec colère "Ca fait ch...". Ah mais... qu'est-ce qui le fait ch..., notre poinçonneur?

Je rêvasse dans le train, il va falloir arriver, quitter l'ambiance jubilatoire de cette belle journée pour reprendre le rythme de la vie ordinaire. Je regarde les paysages. L'eau tombée ces derniers temps fait encore plein de petits lacs dans les champs. Il paraît que les nappes phréatiques sont comblées de joie, ça faisait des années que ça ne leur était pas arrivé.

Ah, j'entends la voix d'un contrôleur. Qui salue aimablement celui-là. Faisant force commentaires sympathiques. Disant à un jeune homme qui n'avait pas poinçonné son billet: " Pour cette fois je ne dis rien, mais je devrais vous mettre une amende de dix euros...". Ca change du Poinçonneur de tout à l'heure.
Je prépare mon billet. J'aperçois sur le côté la silhouette du sus-nommé contrôleur. C'est drôle, il a la même silhouette que celui du train précédent. Il prend mon billet: "Ah, je vous ai déjà contrôlée tout à l'heure".
Ca alors!!! C'est le même, et pourtant ce n'est pas le même. Qu'est-ce qu'il lui a dit, qu'est-ce qu'il lui a fait, son collègue du quai de la gare du temps qui passe? C'est lui qui avait contrôlé le Printemps, qui avait le ticket du Printemps? Ca l'a rassuré, mon poinçonneur des lilas Charles X?

Et si...
Et si le Printemps...
Et si le Printemps, c'était....

Mais oui, mais c'est bien sûr. 

"Et le Printemps nous a salués.
C'était lui le garde barrière
et il nous a bien remerciés...
Et toutes les fleurs de toute la terre 
soudain se sont mises à pousser
pousser à tort et à travers
sur la voie de chemin de fer
qui ne voulait plus avancer
de peur de les abîmer

Alors on est revenus à pied
à pied tout autour de la terre
à pied tout autour de la mer
tout autour du soleil
de la lune et des étoiles
À pied à cheval en voiture
et en bateau à voiles"

Et voilà. Le Printemps n'avait pas son ticket parce que les garde barrières n'ont jamais de tickets. C'est gratos pour eux. C'est ça qu'il a appris sur le quai de la gare du temps qui passe, le poinçonneur des lilas. C'est ça qui lui a remonté le moral, qui l'a ragaillardi, au point qu'il a pu nous regarder, nous parler, et tout et tout.

Sacré Prévert, qui connaît les vrais secrets de la vie.

Pour la peine, je vais vous l'écrire en entier, le poème de Prévert. 




En sortant de l'école
nous avons rencontré
un grand chemin de fer
qui nous a emmenés                                    
tout autour de la terre
dans un wagon doré

Tout autour de la terre
nous avons rencontré
la mer qui se promenait
avec tous ses coquillages
ses îles parfumées
et puis ses beaux naufrages
et ses saumons fumés

Au-dessus de la mer
nous avons rencontré
la lune et les étoiles
sur un bateau à voile
partant pour le Japon
et les trois mousquetaires
des cinq doigts de la main
tournant la manivelle
d'un petit sous-marin
plongeant au fond des mers
pour chercher des oursins

Revenant sur la terre
nous avons rencontré
sur la voie de chemin de fer
une maison qui fuyait
fuyait tout autour de la terre
fuyait tout autour de la mer
fuyait devant l'hiver
qui voulait l'attraper 

Mais nous sur notre chemin de fer
on s'est mis à rouler
rouler derrière l'hiver
et on l'a écrasé
et la maison s'est arrêtée
et le printemps nous a salués

C'était lui le garde-barrière
et il nous a bien remerciés
et toutes les fleurs de toute la terre
soudain se sont mises à pousser
pousser à tort et à travers
sur la voie de chemin de fer
qui ne voulait plus avancer
de peur de les abîmer

Alors on est revenu à pied
à pied tout autour de la terre
à pied tout autour de la mer
tout autour du soleil
de la lune et des étoiles
A pied à cheval en voiture
et en bateau à voiles.



Photos 2 et 3: la maison de Jacques Prévert à Omonville la petite

11 avril 2013

Redondant

Lu dans un petit journal local gratuit....



Hommes ou femmes, les gestionnaires 
sont toujours sinistres, non?

06 avril 2013

Tentative de mimétisme avec un fauteuil


D'abord la couleur



























Maintenant la forme






















À quand les deux?

25 mars 2013

De la mode déstructurée

Françoise Tomeno
25 mars 2013

Vous voyez ce que c'est, la mode déstructurée? Ces vêtements asymétriques, avec un morceau qui pend d'un côté, un autre relevé, une découpe par-ci, un empiècement par là. C'est pas droit, ça flotte, ça pengouille, ça ressemble... ça ressemble à quoi, au fait? "Ca ressemble à rien" diraient certains..

Quoique...

L'autre jour, j'ai vu une petite fille, toute petite fille, qui prenait un chocolat avec son papa au bistrot; concentrée sur un papier que lui avait confié son papa, elle avait pour un moment délaissé un super ninnin (je sais pas si ça s'écrit comme ça,...). Un peu plus tard, je suis passée en voiture devant le bistrot, au moment où elle en sortait, toujours en compagnie de son papa dont elle tenait fermement la main. De l'autre main, elle tenait cette fois-ci, tout aussi fermement que la main de son papa, son ninnin. Eh bien dites donc! En voilà un objet déstructuré, qui pengouille, avec des bouts qui pendent, d'autres qui sont relevés, des empiècements raboutés par les mamans.

Je crois que la mode déstructurée s'est inspirée des ninnins. Chut, faut pas le dire aux dames qui portent ce genre de vêtements, ça risquerait de les vexer.

D'ailleurs, au tout début de cette mode, alors que je ne l'avais pas encore repérée, j'ai comme ça vexé une dame. C'était lors d'un mariage, j'étais rentrée dans l'église en avance. Un couple devant moi en avait fait de même. Le regard flottant, j'avise que la robe de la dame est relevée à l'arrière. Je m'imagine de suite dans la même situation, et je fonce tout droit dans une compassion amicale et forcenée. Je lui tape sur l'épaule: "Madame, excusez-moi, votre robe est relevée..." La dite dame me foudroie du regard: "C'est la coupe, Madame!....".

Blourps!... que je me dis...

Mais...... j'en ris encore....

16 février 2013

Les oranges du Liban

Françoise Tomeno
16 février 2013

- "Je voudrais des oranges....
Celles que vous m'avez données la dernière fois"
- "Des oranges du Maroc". La réponse du marchand ne questionne pas, elle affirme, il sait. Il sait que ce sont des oranges du Maroc qu'il lui a vendues la dernière fois.

Elle s'approche de l'étale, là où sont les oranges du Maroc. Elle se penche, couvrant de son regard les oranges convoitées.
- "Elles ont le goût des oranges de mon jardin...
...... au Liban".

Son regard est comme une main qui prend l'absence d'orange, qui va la remplacer par une autre orange qui a le goût de son pays, l'odeur de son jardin.
Une orange du pays du vendeur.

Dans cette simple phrase "elles ont le goût des oranges de mon jardin... au Liban", et dans ce regard qui se fait main, tient une vie, un départ, une émigration, un exil peut-être, la nostalgie.
Dans la réponse du marchand, il y a une autre émigration, un autre exil.

Un marchand qui n'aime rien tant que de vendre les produits de son pays, qui exprime avec discrétion sa satisfaction lorsqu'on préfère les clémentines du Maroc aux clémentines corses.

Cette courte scène du marché contient deux regards qui se portent au delà, vers là-bas, vers leurs pays. 
J'en suis le témoin muet, et touché.

05 février 2013

Le héron blanc n'est pas un héron

Non, le héron blanc n'est pas un héron. C'est Léon qui me l'a dit. Léon s'y connaît. Il connaît son île comme pas un. Il est né là, il n'a jamais quitté l'île ni la maison familiale. On pourrait l'écouter des heures Léon, parler de son île. Des crues, du printemps, de l'été: "L'été, c'est comme une station balnéaire".

Alors c'est quoi, ce grand oiseau blanc? Une aigrette blanche, dit Léon. Un oiseau migrateur. 
C'est vrai, je ne le ( "la" puisque c'est "une" aigrette) voyais plus depuis un moment.

Alors, lorsque je la voyais, l'aigrette blanche, déployer et replier ses ailes à plusieurs reprises pour un simple vol sur le caillou d'à côté, peut-être était-elle en train de les vérifier, ses ailes, comme on le fait pour les avions, avant de partir pour le grand vol vers le sud?










14 janvier 2013

Dans la salle s'attente

Françoise Tomeno
14 janvier 2013

Une salle d'attente ressemblant à n'importe quelle salle d'attente. Plutôt des femmes. En prévision d'une possible longue attente, j'ai apporté un gros bouquin prêté par un ami: "Les douze chaises, par ILF et PETRON ". Ilf et Petron, deux auteurs russes, sans gloire, co-auteurs de cette petite merveille parue en URSS en 1928. Critique drôle et drôle de critique des débuts de l'époque stalinienne, thriller où les absurdités tant administratives qu'idéologiques sont dénoncées au travers de l'expérience qu'en font les "héros", expérience présentée de façon désopilante.

Dieu sait pourquoi, à un moment, je lève le nez. Me revient alors en mémoire une répétition d'un spectacle Raymond Queneau avec le groupe des Accroche-Coeur. Marie, notre metteur en scène de l'époque, avait pris le parti de nous faire travailler de façon Oulipienne, Raymond Queneau oblige. Elle avait écrit sur des petits papiers le titre des poèmes retenus pour le spectacle, et sur une autre série de petits papiers, des contraintes à la mode de l'Oulipo. Ce jour-là, nous tirons au sort le texte, "Un poème", et la contrainte, "Dans une salle d'attente de médecin". Nous voilà tous les quatre , Emmanuelle, Jean-Pierre, Jean-Michel et moi-même, assis en rang d'oignons, comme dans la salle d'attente aujourd'hui. La contrainte veut que l'on ne sache pas lequel d'entre nous va démarrer, c'est à dire rompre l'ambiance habituelle de la salle d'attente et envoyer le poème aux patients qui patientent. Nous l'avons fait plusieurs fois, c'était drôle et difficile, la tension montait au fur et à mesure que le temps s'écoulait avant que l'un d'entre nous ne se lance et essaie de choisir un style pour faire irruption.

Ce souvenir me fait sourire, et penser à d'autres façons d'apporter de la fantaisie dans des lieux qui n'ont pas été faits pour ça. Aujourd'hui, certaines flashmobs sont de ce style-là  et je ne résiste pas au plaisir de vous transmettre les liens conduisant à deux d'entre elles, belles par le parti pris qu'elles ont choisi. Elles se sont déroulées  l'une et l'autre en Espagne. l'une dans une agence pour l'emploi, l'autre dans une banque.



Bon voyage au pays des flashmobs...